Vous avez entendu parler de Konya et vous hésitez à aller y faire un peu de tourisme ? N’hésitez plus et allez-y ! Konya est une ville fascinante, au coeur de l’Anatolie, qui vous conduira à la découverte du soufisme et du célèbre poète persan Rumi.
Konya, berceau du soufisme
Konya est une ville d’Anatolie qui abrite le tombeau du célèbre poète persan Rumi (Mevlana en turc ; Mowlana en persan). Elle est considérée comme le berceau du soufisme turc et héberge encore aujourd’hui des confréries soufies. Chaque année, des milliers de visiteurs viennent en pèlerinage au mausolée dédié au poète Rumi.
Un peu plus sur Rumi
Rumi (Mevlana en turc ; Mowlana en persan), de son vrai nom Mohammad Djalal ad-Din, est un poète soufi du XIIIème siècle (1207 – 1273). Il est l’un des plus célèbres poètes de langue persane (avec Sa’adi ou encore Hâfez), laquelle était parlée, à cette époque, de l’Anatolie au Khorassan. Il est une figure absolument fondatrice de la poésie persane ainsi que du soufisme.
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Né à Balkh, dans l’actuel Afghanistan, il s’établit assez tôt (vers 22 ans) à Konya en Anatolie. Il y passera l’essentiel de sa vie. C’est donc là que se trouve son tombeau.
L’oeuvre poétique de Rumi est considérable. Elle est profondément marquée par sa relation spirituelle intense avec un derviche errant nommé Shams de Tabriz (Şems-i Tebrîzî en turc ; Shams-e Tabrizi en persan). Shams vient trouver Rumi à Konya (en 1244 semble-t-il) et devient une sorte de mentor spirituel pour lui. Leur rencontre marque à jamais la vie de Rumi. Leur connexion est mystique. Après plusieurs années d’interaction forte, le départ soudain de Shams plonge Rumi dans une tourmente terrible mais lui inspirera également ses plus beaux vers poétiques. Sa poésie parle de foi et d’amour. Il existe des centaines d’ouvrages scientifiques sur la vie de Rumi mais, si vous souhaitez la découvrir de façon plus légère et plus romancée, vous pouvez lire Soufi, mon amour par Elif Shafak, qui vous plongera dans l’ambiance.
Bref, le mausolée dédié à Rumi (musée de Mevlana) est donc LA raison pour laquelle visiter Konya.
La poésie de Rumi
Avant de visiter Konya, il est préférable de se familiariser avec la poésie de Rumi (si vous n’êtes pas déjà experts). Il existe de nombreux volumes en français, dont certains vous proposent des sélections de textes. Lisez par exemple La religion de l’amour ou encore le Mesnevi 150 contes soufis.
Vous pouvez aussi écouter les poèmes de Rumi mis en musique par un artiste iranien (Mohsen Chavoshi). Je recommande notamment d’écouter les titres suivants :
- Jan-e man ast oo (Il est mon âme)
- Sheydaei (Envoutement passager)
- Beraghsa (Danse!)
- Bist hezar arezoo (Vingt-mille souhaits)
Découvrir la Turquie traditionnelle
Visiter Konya est aussi une superbe occasion de découvrir un peu mieux la Turquie de l’intérieur des terres, assez traditionnelle. Même si la ville attire de nombreux visiteurs qui s’intéressent au soufisme et à la poésie, cela reste un tourisme plus confidentiel – plus intellectuel aussi. La ville ne subit donc pas le tourisme de masse que l’on peut trouver sur les côtes.
Anecdote personnelle : lors de mon premier long voyage en Turquie, lorsque j’ai parlé autour de moi de mon projet de visiter Konya, nombreux sont les hôtes ou les voyageurs qui se sont étonnés. « Que vas-tu y faire, à part prier ? Tu vas t’ennuyer. Une fille toute seule en plus… » ai-je pu entendre. Au-delà du fait que je ne vois pas vraiment le problème d’y aller pour prier (chacun a ses préoccupations et sa spiritualité), j’ai trouvé la ville accueillante et les portes spirituelles qu’elle ouvre n’ont vraiment rien d’ennuyeux. Ceux qui sont familiers avec le soufisme (ou qui le pratiquent) seront dans leur élément. Ceux qui connaissent la poésie persane seront émus de « voir » le maître. Et ce qui n’y connaissent rien apprendront plein de choses ! Ne vous laissez pas dissuader si vous avez Konya en tête.
On m’a aussi laissé entendre que l’ambiance de la ville était très conservatrice voire rigoriste, notamment sur le plan vestimentaire. A titre personnel, je n’ai pas particulièrement ressenti cela de façon pesante (même si j’admets que je n’ai vraiment pas un style affriolant à la base). Certes, ce n’est pas une ville de plage où les gens se baladeraient en maillot de bain, ni une grande métropole où tous les looks les plus excentriques se côtoient. C’est finalement une ville d’Anatolie très « normale ». Soyez simplement respectueux des lieux saints et mystiques que vous allez visiter.
Que faire à Konya ? Que voir à Konya ?
1. Visiter le Mevlana Müzesi
Le musée de Mevlana est l’attraction touristique principale de la ville. C’est le MUST. Ce mausolée est dédié à Rumi et abrite donc – entre autres – le tombeau du poète.
Le musée est situé à l’extrémité Est de la Mevlana Caddesi, la grande avenue qui divise le centre-ville en deux. Au sud de cette avenue se trouve le Bazar. A l’extrémité Est, le musée de Mevlana. Et à l’Ouest, un grand rond-point (meydan en turc) avec un parc (Alaaddin Hill Park).
Vous pouvez obtenir un audio-guide à l’entrée du musée / mausolée. Il est très bien fait et vous permettra de faire une visite intelligente. Le complexe du musée est de belle architecture mais c’est surtout la pièce renfermant le tombeau de Rumi dans laquelle tout le monde se précipite.
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Il y a généralement beaucoup de monde dans la salle du tombeau, qui est spectaculaire et richement décorée. Beaucoup de touristes sont iraniens et certains sont très émus (parfois aux larmes) de découvrir la sépulture de leur grand poète national. Il y une vibration mystique très marquée dans la salle.
2. Voir une cérémonie de derviches tourneurs (semâ)
Qu’est-ce que c’est ?
Le semâ en turc (ou samâ’ en persan et en arabe) est une pratique spirituelle soufie exécutée par les derviches soufis de l’ordre Mevlevi et aujourd’hui classée au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Elle se présente sous la forme d’une danse giratoire (d’où l’expression « derviches tourneurs ») qui s’intègre dans une cérémonie très codifiée divisée en 7 étapes.
Après un prélude musical, au son du ney (une sorte de flûte) et du daf (une sorte de tambour), accompagnés d’un chanteur, un groupe de derviches évoluent sur une piste où il exécutent cette danse giratoire. A leur entrée en piste, les derviches font 3 tours de piste et se saluent mutuellement. Ils portent un manteau noir (symbole de l’enveloppe de leur égo) et un haut chapeau (symbole de la pierre tombale de leur égo). Ils finissent par laisser tomber le manteau noir pour faire apparaitre leur vêtement blanc : cet acte symbolise l’abandon de l’égo.
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Les derviches commencent ensuite à tourner sur eux-mêmes et, en même temps, autour de la salle, ce qui mime la dynamique de l’univers. C’est ce mouvement qui fait « voler » leur long vêtement blanc. Leurs bras sont d’abord croisés sur leur poitrine puis s’ouvrent peu à peu. Leur main droite est tournée paume vers le ciel (vers Dieu, donc) et leur main gauche pointe vers le sol (vers les hommes, donc). Le derviche devient alors un maillon entre la grâce divine et le monde terrestre.
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Cette « danse » et les prières qui l’accompagnent se composent de 4 actes (4 selam). Elle se conclut également par une prière.
Quand y assister ?
Une cérémonie de sema a lieu tous les samedis soirs de l’année au centre culturel Mevlana (sauf pendant le Mevlana festival qui a lieu en décembre cf. plus bas). Elle commence à 19h (ou 21h en été). L’entrée est gratuite. [En comparaison, sachez que les performances de derviches proposées à Istanbul sont beaucoup moins authentiques et facturées assez cher]. Pour plus de détails, consultez le site de la ville.
En haute saison, une cérémonie supplémentaire a lieu les jeudis soirs d’été, dans les jardins du mausolée. L’entrée se fait par l’arrière du musée, par la Mevlana Türbesi. De même, c’est gratuit. Assurez vous simplement d’arriver assez tôt pour avoir une place assise.
En outre, un moment particulièrement propice pour visiter Konya est autour de la mi-décembre, car la ville héberge à cette période le Mevlana Festival (en 2024 : du 7 au 17 décembre) C’est une semaine de célébration dédiée au poète Rumi. Toutes les âmes en quête de spiritualité convergent alors vers la ville de Konya et se réunissent pour célébrer le poète et son mysticisme, de jour comme de nuit, par la musique, le chant et la danse spirituelle.
3. Visiter la Mosquée Selimiye
Juste au niveau du flanc Ouest du Mevlana museum, se trouve une grande esplanade. Elle accueille la moquée Selimiye. Elle vaut la peine d’être vue (je ne retrouve pas de photo dans ma pellicule malheureusement donc… vous verrez sur place!).
4. Voir la tombe de Shams de Tabriz
A Konya, on trouve une mosquée dans laquelle se trouve une tombe attribuée à Shams de Tabriz, le maître spirituel de Rumi. Elle est facile à trouver, dans le centre-ville, juste au Nord de la Mevlana Caddesi.
L’ambiance est plus confidentielle que celle du musée mais la ferveur est aussi de mise. Voici le tombeau attribué à Shams à Konya.
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A noter : il existe aussi un tombeau attribué à Shams dans la ville de Khoy, en Iran. Les circonstances de la mort de Shams ne sont pas bien connues mais il semblerait qu’il soit mort à Khoy, après avoir quitté Konya et Rumi. Ceci explique l’existence d’un tombeau à Khoy.
5. Flâner dans le marché
Le Bazar de Konya est grand. On s’y perd facilement mais c’est avec plaisir. Consacrez-y au moins une petite heure ! Vous y trouverez de tout et c’est également là que se trouvent les meilleurs restaurants et échoppes (moins chers que vers le mausolée, sans chichis, et efficaces).
Le petit plus : si vous vous trouvez à Konya un vendredi, vous pourrez assister (ou participer, si vous êtes musulman) à la grande prière hebdomadaire, qui est très suivie. Elle est d’ailleurs suivie à un tel point que même la grande mosquée du centre ville (Aziziye Camii) est un peu trop petite pour accueillir tout le monde et nombreux sont les fidèles qui doivent alors prier à l’extérieur, sur le parvis. De même pour de plus petites mosquées de quartier : beaucoup de fidèles prient sur le trottoir, tant il y a de monde. Il y a une vraie ferveur ; c’est vraiment beau d’y participer ou d’y assister.
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6. Visiter le musée des céramiques
Le musée des céramiques, proche du parc de la colline Alaaddin, se trouve dans l’ancienne Madrasa Karathay. Il est assez petit mais a quelques pièces intéressantes et un joli dôme bien restauré. Si vous avez le temps, allez y faire un tour. Si vous êtes à court de temps, zappez sans trop de regrets.
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7. Voir le parc Alaaddin
A l’extrémité Ouest de la Mevlana Caddesi se trouve un grand rond-point. En son centre, vous trouverez le Alaaddin Tepesi Parkı (le parc de la colline Alaaddin) qui est l’une des attractions de la ville et qui est agréable. Idem, faites-y un tour si vous avez le temps ; sinon tant pis !
8. Ramener quelques souvenirs liés au soufisme
Visiter Konya vous permettra d’entrer en contact avec la tradition soufie. Vous trouverez aux abords du musée de nombreux magasins vendant des souvenirs liés à Rumi, au soufisme et à l’islam en général. Certains items se retrouvent dans n’importe quel magasin de souvenirs à travers la Turquie mais, pour certains objets plus spécifiques, vous aurez certainement plus de choix à Konya. Personnellement je me suis acheté une tasse que je n’ai pas souvent revue dans d’autres magasins de souvenirs d’autres villes.
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Comment aller à Konya ?
Aller à Konya depuis Istanbul
Le plus simple pour se rendre à Konya depuis Istanbul est certainement le train. Une ligne directe fait Istanbul-Konya en environ 4 ou 5h pour environ 10 euros (voyez sur le site des chemins de fer turcs). Il vous faudra évaluer à quelle gare d’Istanbul vous souhaitez embarquer, selon que vous logez sur la rive européenne ou asiatique. A l’arrivée à Konya, la gare ferroviaire est assez centrale. Vous pouvez rejoindre la place Alaaddin en 25min de marche ou 7-8 minutes en taxi.
Vous pouvez aussi aller à Konya pour le bus. C’est assez long mais certains bus font le trajet de nuit et cela peut vous permettre de gagner un peu de temps. La gare routière de Konya est fort au nord de la ville. A l’arrivée il vous faudra donc prendre un taxi ou un dolmuş (mini-bus) pour parvenir en centre-ville. [Pour le dolmuş, je ne saurais pas vous dire lequel. Je suis montée dans le premier qui a répondu « evet » (= oui) à ma question « şehir merkezi ? » (= centre-ville). Arrêtez-les d’un signe de main et demandez]. Il existe aussi un tram mais il vous faut une carte magnétique pour l’utiliser. Or, aux dernières nouvelles, il n’était pas possible de l’acquérir à bord. Depuis, peut-être que le paiement directement par carte bleue a été instauré (comme dans les transports d’autres villes de Turquie, notamment Izmir) (?). Je vous laisse me dire en commentaire si c’est le cas !
Enfin il y a un aéroport à Konya avec plusieurs vols quotidiens depuis et vers Istanbul. Le vol dure environ 1h15 mais, tout compris, je pense que l’avion vous prendra plus de temps que le train.
Aller à Konya depuis Ankara
De même, depuis Ankara, il existe un train rapide qui vous amène à Konya en environ 2h ainsi que des bus. A l’arrivée à Konya, la gare ferroviaire est assez centrale. Vous pouvez rejoindre la place Alaaddin en 25min de marche ou 7-8 minutes en taxi.
Aller à Konya depuis la Cappadoce ou d’autres régions
Des bus font également la liaison avec de nombreuses autres villes turques, en Cappadoce (Göreme ; Kayseri) notamment ou encore sur la côte sud du pays (Antalya ; Alanya).
Même remarque que ci-dessus : la gare routière est fort au nord de la ville et il vous faudra ensuite prendre un taxi ou un dolmuş (mini-bus) pour parvenir en centre-ville. [Pour le dolmuş, je ne saurais pas vous dire lequel. Je suis montée dans le premier qui a répondu « evet » (= oui) à ma question « şehir merkezi ? » (= centre-ville). Arrêtez-les d’un signe de main et demandez]. Il existe aussi un tram mais il vous faut une carte magnétique pour l’utiliser et, aux dernières nouvelles, il n’était pas possible de l’acquérir à bord. Depuis, il est possible que le paiement directement par carte bleue ait été instauré (comme dans les transports d’autres villes de Turquie, notamment Izmir). Je vous laisse me dire en commentaire si c’est le cas !
Où loger à Konya ?
Il y a de nombreux hébergements à Konya, pour des tarifs accessibles. Vous pouvez faire votre choix selon votre budget mais, dans une optique de tourisme, je vous recommande vraiment de rester en centre-ville, autour de la Mevlana Caddesi, de façon à pouvoir tout faire à pied.
Bonne visite !
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Et pour savoir quoi faire d’autre en Turquie, vous pouvez consulter mes autres articles :
- Par ici si vous envisagez de visiter le Mont Nemrut et ses statues.
- Et par là si vous souhaitez découvrir la région de Van et du Lac de Van.