A l’heure où l’on veut toujours aller plus vite, faire le trajet Van-Téhéran en train est un choix incongru. Et pourtant, cette section de 1065 kms, qui fait partie de la ligne ferroviaire internationale trans-asiatique (Trans-Asia Express) offre une expérience unique. Des paysages spectaculaires, des heures qui s’allongent sans fin, la sensation de se perdre au bout du monde et la satisfaction de respecter un peu davantage l’environnement. La ligne a repris du service en 2025. Dans cet article « carnet de voyage », je vous raconte cette aventure unique sur les rails, entre la Turquie et l’Iran. Vous y trouverez tous les détails pratiques pour préparer ce périple hors du commun de Van à Téhéran en train.
La ligne de train reliant aujourd’hui Van à Téhéran fait partie de la ligne de train Trans-Asia Express qui, depuis 2001, ralliait Ankara à Téhéran (puis, un peu plus tard, Istanbul à Téhéran).
Pendant plus d’une décennie, à partir d’Ankara, 1352 kms de rails vous emportaient à travers l’Anatolie jusqu’à la ville de Tatvan sur la rive Ouest du Lac de Van. Il fallait ensuite prendre un ferry qui vous faisait traverser le Lac pour rejoindre la ville de Van, sur la rive Est. Puis vous repreniez le chemin de fer vers la frontière, puis Tabriz puis Téhéran, pour une autre ballade de 1065 kms.

[Je parle de la section Ankara-Tatvan dans ce carnet de voyage et de la traversée en ferry dans celui-là. Ces articles vous permettront sans doute de mieux cerner l’ambiance du parcours.]
Progressivement, à partir de 2015, certaines sections ont été suspendues pour diverses raisons, avant d’être restaurées partiellement mais, au moment du Covid, la ligne internationale a été interrompue.
Mais, bonne nouvelle, les liaisons Van-Téhéran en train ont repris début mars 2025, en grande pompe ! Le Trans-Asia Express, tel un phœnix, a ressuscité de ses cendres.
Pourquoi ai-je choisi de faire le trajet Van-Téhéran en train ?
Ce choix est un heureux hasard !
Comme je l’expliquais dans plusieurs posts précédents, depuis plusieurs années, je voulais faire la traversée du Lac de Van en ferry. « Quel rapport ?« , me direz-vous. Et vous n’aurez pas tort. En investiguant comment faire cette traversée lacustre mythique, qui me faisait de l’oeil depuis plusieurs années, j’ai découvert qu’elle faisait partie de la ligne Trans-Asia Express, laquelle s’est mise à me faire de l’oeil aussi. La partie internationale était déjà suspendue à l’époque mais le segment turc de l’affaire était opérationnel. Mon projet est resté suspendu quelque temps, faute d’occasion, puis quand il est revenu sur la table, en plein hiver 2025, j’ai découvert que les discussions pour rouvrir la ligne était en phase d’aboutissement. Sans certitude que le timing soit bon, j’ai tout de même programmé la partie turque, surtout avec l’espoir de traverser des paysages anatoliens enneigés. Je me disais que ce serait déjà magique !
Et puis, à ce même moment, l’annonce officielle a été faite : le premier train pour Téhéran devait partir de Van début mars, soit quelques jours après les dates que j’avais en tête pour mon périple turc. L’alignement des planètes était parfait. Il n’en a pas fallu davantage pour me convaincre : j’irai jusqu’à Téhéran en train 🙂
En gare de Tatvan, la reprise du trafic dans le sens Van-Téhéran s’est faite avec enthousiasme le 10 mars 2025 : banderoles et journalistes étaient au rendez-vous !

Récit de voyage : 22 heures à bord du train Van-Téhéran (Trans-Asia Express)
Jour 1 sur le train Van-Téhéran
Arrivée à la gare
Le Trans-Asia Express dans le sens Van-Téhéran part toujours le soir (cf. horaires ci-dessous). En l’occurrence, mon billet indiquait « départ prévu 21:00 ». Il était néanmoins précisé qu’il fallait se présenter à la gare 1h avant. La femme stressée que je suis a évidemment suivi la consigne à la lettre.
Le soir du départ, chargée comme une petite bourrique, je me rends à l’arrêt de bus que l’on m’a indiqué et qui conduit à la gare de Van. Il est aux environs de 19h et il fait déjà nuit noire (évidemment, car on est en mars!). Le bus ne se fait pas attendre et, en une vingtaine de minutes, il me dépose devant la gare. La gare de Van est une petite station mais elle est bien propre et éclairée. La grande banderole annonçant la reprise du trafic, que vous avez vu plus haut, trône fièrement sur le fronton du bâtiment. Dans la gare, d’autres passagers sont déjà là, eux aussi, bien en avance.
Au bout d’un moment, quelques hommes sur leur trente-et-un font leur apparition. Ce doit sûrement être des officiels présents pour inaugurer la reprise du trafic. En tout cas, ils ont l’air très élégants et je me sens un peu en décalage avec mon gros sac de randonnée. Un peu avant 20h, on nous fait signe qu’il est temps de s’approcher du quai pour prendre place dans le train.
Départ sur les chapeaux de roues !
Le personnel de bord, devant la voiture principale, vérifie les noms et les billets des passagers. Nous sommes assez peu nombreux. Lorsque c’est mon tour, on m’indique une cabine qui n’a rien à voir avec celle inscrite sur mon billet. Je comprendrai a posteriori que, par commodité, nous avons tous été rassemblés dans un seul wagon – ce qui effectivement avait du sens au vu de notre petit effectif – et que les places attribuées sont donc complètement rebattues. Adios ma cabine women-only…
A peine installée dans une cabine que je partage désormais avec un couple de trentenaires, le train se met en mouvement. Je regarde ma montre : il n’est même pas 20h. Je crois avec mal lu mais non. Nous sommes bels et bien en route. Avec une bonne heure d’avance. Nous étions tous là. La voie était libre. Roulez jeunesse ! Bien m’en a pris d’arriver en avance !
Installation
La cabine est fort agréable. Il y a 4 couchettes et nous ne sommes que trois. Nous avons donc toute la place qu’il faut pour mettre tous nos bagages sur le lit vide. Nous sommes accueillis avec de l’eau, un thé et un petit snack. Mais moi je suis surtout fan de la moquette dans le couloir, qui permet à tout le monde de marcher en chaussettes.

Passage de la frontière
Le train roule tranquillement vers le poste frontière de Kapıköy. Aux environs de 23h nous y parvenons. Comme pour tout passage de frontière terrestre, nous devons descendre de notre moyen de transport (en l’occurrence le train) et passer les postes frontières à pied.
Nous descendons donc du train. Un petit tampon sur le passeport et nous voilà hors de Turquie. Nous patientons ensuite dans une petite salle avant de remonter à bord tous ensemble. L’attente dure néanmoins plus longtemps que prévu car visiblement une partie du personnel manque à l’appel et il faut un peu de temps pour se réorganiser. Nous, passagers, sommes si peu nombreux que nous commençons à nous familiariser avec les visages de chacun dans cette petite salle. On se sourit, on se demande l’heure… Je remarque un groupe de trois personnes (deux femmes et un homme) un peu différents des autres passagers. Ils ont l’air très affairés, en plein brainstorming.
Pas le temps de discuter, nous remontons dans le train pour effectuer les quelques centaines de mètres qui nous séparent du poste frontière iranien de Razi. Rebelotte, nous descendons du train et faisons la file pour entrer en Iran.
Quand c’est enfin à moi, le douanier a toutes les peines du monde à enregistrer mon passeport… Il s’y reprend à plusieurs fois, sur deux ordinateurs différents. Rien à faire. Je commence à avoir chaud avec mes vêtements d’hiver et mon énorme sac sur le dos alors que la salle est bien chauffée. Je commence à me dire que je vais peut-être devoir passer tout le reste de ma vie dans cette zone frontière (oui oui, drama queen). Mais après un énième essai, le logiciel m’accepte. Youpi 🙂 Me voilà en Iran !
De retour à bord, nous nous installons plus confortablement pour la nuit, avec nos kits de draps impeccables. Quant au train, il poursuit sa route dans la nuit, vers Tabriz.
Jour 2 sur le train Van-Téhéran
Comme dans le Van Gölü Express, je me réveille assez tôt, toute excitée de voir les paysages à la lumière du matin. Nous traversons des montagnes arides, déjà écrasées de soleil alors que l’on sort de l’hiver. Beaucoup de pierres ocres qui se dressent vers le ciel et quelques touffes de végétation sèche ça et là.

Devenir une star de la TV
Aux environs de 9h, l’homme du trio que j’avais repéré la veille à la frontière engage la conversation. Il fait partie d’une équipe de télévision qui fait un petit reportage sur la reprise du trafic sur la ligne de train mythique Van-Téhéran. Il recherche des passagers qui voudraient bien témoigner. Je ne suis pas très emballée au début mais il est sympathique et ses deux collègues aussi. Me voilà donc star d’un jour pour la TRT Arabi et je raconte mon périple avec enthousiasme. On fait même des prises de vues sans paroles où l’on me filme pendant que je regarde pensive à travers la fenêtre. C’est tellement incongru pour moi mais plutôt rigolo comme anecdote. Au moins le voyage n’est pas ennuyeux.
Le heures défilent et les montagnes arides se transforment en plaines toutes aussi desséchées. Puis l’on aperçoit des montagnes enneigées au loin.

Les plaines verdissent, certaines cultures commencent à pointer le bout de leur nez. Puis l’urbanisation se densifie. Je sais qu’on approche de Téhéran
Arrivée en gare de Téhéran
Après un tunnel incroyablement long, nous voilà à destination : la gare centrale de Téhéran. Et le plus inattendu est qu’on y parvient avec 1h d’avance !! Oui oui, vous avez bien lu. Ce n’est pas avec la SNCF qu’on aurait ce genre de bonne surprise ^^
Tout le monde se précipite hors du train. Je suis parmi les derniers passagers à sortir. Contente, je retrouve cette gare que j’ai déjà fréquentée pour une autre aventure vers le sud du pays (mais c’est une autre histoire!).

En marchant pour sortir de la gare, je n’en reviens toujours pas. J’ai fait Ankara-Van-Téhéran en train. Lancée comme un frelon, j’aurais presque envie de pousser tout de suite vers Mashhad… mais j’ai rendez-vous avec le meilleur Tahchin-e Morgh de la ville donc je retrouve vite le sens des priorités 🙂

Détails pratiques concernant le train Van-Téhéran (Trans-Asia Express)
Horaires
Le train Trans-Asia Express circule deux fois par semaine.
Dans le sens Van-Téhéran, il part les lundis et jeudis soir. Départ de Van à 21h ; arrivée à Téhéran le lendemain à 18h30. A noter que le train passe par Tabriz.
Dans le sens Téhéran-Van il circule les dimanches et mercredis avec un départ de Téhéran à 12h05 ; arrivée à Van à 11h00 le lendemain. A noter que le train passe par Tabriz.
Confort
Le train Van-Téhéran est un train-couchette et chaque cabine contient 4 couchettes.
Il est censé en principe exister un wagon réservé aux femmes, ce qui est très bienvenu si vous êtes une femme et que vous voyez seule. Cela étant dit, je ne peux pas le certifier car, lors de mon voyage, nous étions peu nombreux et le chef de bord nous avait tous rassemblés dans un seul wagon. Par conséquent mon wagon « women only » est totalement passée à la trappe. Je ne sais pas comment ça se passe depuis que la ligne est mieux rodée mais je suppose que cette option (peut-être pas le wagon entier mais au moins des cabines réservées aux femmes) est toujours proposée. C’est une demande assez classique en Turquie et en Iran (même en Europe !), a fortiori dans un train de nuit. [Si vous avez une expérience, n’hésitez pas à me faire un retour]
Quoi qu’il en soit, les lits sont plutôt confortables et les draps (tout propres !), oreillers et couvertures sont fournis. De l’eau chaude, du thé ainsi que des petit snacks sont également fournis.

Restauration
Je n’ai pas vu de voiture restaurant [mais, encore une fois, c’était le premier trajet donc cela a peut-être évolué !]. Par contre, vous pouvez passer une commande auprès du chef de bord pour qu’il fasse livrer un plateau repas à la prochaine station. Il passe aux heures des repas demander si vous souhaitez commander quelque chose (parmi une liste d’options). Une ou deux gares plus loin, votre repas est livré à bord.
Seul point problématique, il vous faut de l’argent liquide en devises iraniennes (que vous n’aurez probablement pas car le rial iranien ne s’échange pas trop à l’extérieur du pays). Du coup, soit vous arrivez à copiner avec vos voisins qui accepteront peut-être de commander pour vous et que vous les remboursiez en turkish lira (ou en euros / dollars mais c’est peu probable car ce ne sera sans doute que quelques pièces), soit il vaut peut-être mieux penser à prendre des provisions 🙂 . Cela vous évitera aussi le problème de communication et le problème de choisir des plats avec lesquels vous n’êtes pas forcément familiers.
Et FYI, au cas où vous feriez le trajet en période de ramadan : vous pouvez manger et boire quand bon vous semble si vous en avez besoin, même en période de jeûne, car vous êtes en voyage.
Prix et modalité d’achat des billets
Le prix d’un billet est environ 27 euros.
Vous pouvez acheter votre billet sur le site d’achat en ligne de TCDD, les chemins de fers turcs. C’est plutôt commode. Pensez à vous positionner sur l’onglet des lignes internationales, sinon vous ne trouverez pas. Saisissez Van et Tahran.

Passage de frontière
Le passage de la frontière dans le sens Van-Téhéran a lieu aux alentours de 23h30-minuit. C’est plutôt chouette car il n’est donc pas trop difficile de rester réveillé jusque là. C’est un passage de frontière terrestre somme toute très classique. On descend du train pour passer le poste frontière turc (Kapıköy). On remonte dans le train pour faire un minuscule petit bout de chemin dans la zone tampon et on redescend un peu plus loin pour passer le poste frontière iranien (Razi).
Pour rappel, les ressortissants français ont besoin d’un visa pour entrer en Iran. Sur ce sujet, je vous laisser regarder les formalités et prendre connaissance des recommandations sur le site du MAE. La modalité « visa à l’arrivée » (visa on arrival) ne fonctionne pas aux postes frontières terrestres (uniquement pour certains aéroports). Il vous faut donc avoir votre visa avant d’embarquer dans le train.
Un petit détail en ce qui concerne votre passeport. En principe les douaniers iraniens ne tamponnent pas votre passeport à l’entrée sur le territoire. C’est pour vous éviter d’avoir un tampon iranien qui pourrait vous causer des problèmes ou des questions lorsque vous voyagerez dans d’autres pays plus tard (donc plutôt sympa !). Et cela marche fort bien si vous vous déplacez en avion.
En revanche, si vous venez en Iran par une frontière terrestre, vous n’aurez certes pas de tampon iranien mais vous aurez par la force des choses le tampon de sortie du pays frontalier concerné (ici la Turquie) avec l’indication du poste frontière. Donc si vous prenez le train Van-Téhéran, vous aurez le tampon de sortie de Kapıköy (Turquie) mais pas de tampon d’entrée de Razi (Iran). Avec un peu d’attention, il ne sera pas très compliqué de deviner où vous êtes allés (même si c’est évidemment moins flagrant que si le passeport était tamponné).
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Et si pour en savoir davantage…
Pour en savoir davantage sur l’Iran vous pouvez consulter :
- Mon article sur la région du Guilan
- Mon article sur la gastronomie du Guilan
- Et si vous préférez conduire plutôt que de prendre le train, toutes les infos sont dans cet article.
Pour en savoir plus sur mon long périple en train et bateau à travers la Turquie :
- Vous pouvez consulter mon article sur le Van Gölü Express… : c’est par ici
- … ou celui sur ma traversée du lac de Van en ferry : c’est par là
- Pour mieux connaitre Van et sa région : c’est cet article.
- Pour savoir quoi faire à Ankara : c’est dans cet article.
A bientôt !

